Le secteur du chauffage des bâtiments au Canada est en pleine transition. L’élan en faveur du chauffage des bâtiments à l’aide d’énergies propres prend de l’ampleur, mais nous sommes loin d’avoir atteint nos objectifs. Et l’action volontaire ne peut à elle seule aboutir à un changement aussi considérable et aussi rapide que celui requis dans le secteur du bâtiment. Une transition réussie vers des bâtiments carboneutres exige une transformation complète du marché motivée par :
- une gouvernance efficace ;
- une demande claire ;
- des chaînes d’approvisionnement fiables ;
- une infrastructure de soutien ; et
- des capitaux accessibles.
Ces cinq piliers sont au cœur de notre Plan d’action national pour la décarbonation des bâtiments1 et offrent un plan directeur pour accélérer la transition vers un chauffage électrifié et propre.
Ce billet porte sur les leviers de gouvernance, notamment les codes du bâtiment et les normes de construction, qui peuvent offrir une certitude à long terme, réduire les disparités et permettre une transition structurée, au-delà de simplement imposer le changement.
En septembre 2024, nous avons publié la deuxième édition de notre analyse juridictionnelle, qui offre un aperçu complet de l’évolution des politiques visant à accélérer la transition vers des systèmes de chauffage zéro émission. Ce billet met en lumière les nouvelles mesures adoptées, les retards et les revirements survenus depuis, ainsi que les nouveaux leviers et opportunités émergents.
Mises à jour importantes sur les politiques
La Colombie-Britannique s’est positionnée comme un chef de fil à l’échelle nationale dans le domaine du chauffage des bâtiments à l’aide d’énergies propres, grâce à un ensemble de mesures volontaires et obligatoires. Depuis mai 2023, le Zero Carbon Step Code (ZCSC) a été intégré au code du bâtiment provincial, donnant aux municipalités le pouvoir de limiter les émissions opérationnelles de gaz à effet de serre (GES) dans les nouvelles constructions. Alors que la province prévoit d’exiger que tous les nouveaux bâtiments atteignent le niveau EL-4 d’ici 2030, ce qui implique des émissions de GES opérationnelles nulles, plus de 30 municipalités ont déjà adopté le ZCSC. Depuis le 10 mars 2025, à l’échelle provinciale, tous les nouveaux bâtiments doivent satisfaire au moins à la norme EL-1 de la ZCSC, qui exige que les constructeurs mesurent et déclarent les émissions de GES opérationnelles des bâtiments. La Ville de Victoria a rejoint Vancouver pour exiger des propriétaires de grands bâtiments de déclarer leur consommation d’énergie et leurs émissions de carbone.
Au Québec, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a adopté un règlement interdisant l’installation de systèmes de chauffage et de production d’eau chaude alimentés par des combustibles fossiles dans tous les nouveaux bâtiments des 79 municipalités de la CMM, à partir d’octobre 2024 pour les petits bâtiments et d’avril 2025 pour l’ensemble des bâtiments. De plus, le règlement sur la divulgation et la cotation des GES de Montréal emissions performance disclosure bylaw (projet de loi 41) attribuera des cotes annuelles de performance à plus de 7 000 bâtiments à partir de 2026. Il s’agit d’une nouvelle étape dans l’avancement de la feuille de route de la Ville pour des bâtiments à zéro émission d’ici 2040, jetant les bases des futures normes de performance. Parallèlement, l’arrimage avec la réglementation provinciale se poursuit activement.
Cependant, les progrès ne se sont pas faits sans difficultés. Le règlement de Toronto sur la norme de performance en matière d’émissions des bâtiments (BEPS), initialement prévu pour approbation par le conseil municipal en 2025, est retardé. Par ailleurs, des règlements de zonage obsolètes dans des villes comme Toronto et Mississauga freinent encore l’adoption des thermopompes, ce qui souligne la nécessité de moderniser la réglementation.
Même lorsqu’elles sont adoptées, les politiques renforçant la décarbonation peuvent être contestées à la suite de changements d’administration, ce qui fragilise les politiques climatiques et les efforts de décarbonation. Par exemple, en juillet 2024, le conseil municipal de Vancouver a annulé l’interdiction du chauffage au gaz dans les nouveaux logements, avant de la rétablir quatre mois plus tard à la suite d’un soutien massif de l’industrie et du public. Pendant ce temps, en Ontario, l’introduction de la Loi de 2025 pour protéger l’Ontario en construisant plus rapidement et plus efficacement (projet de loi 17), qui vise à accélérer la construction de logements, a suscité des inquiétudes quant à la possibilité de limiter le pouvoir des municipalités de fixer des normes environnementales obligatoires. Parallèlement, le Residential Construction Council of Ontario (RESCON) a lancé une contestation judiciaire contre la Ville de Toronto concernant la Norme verte de Toronto (TGS) en novembre 2024, affirmant qu’elle excéderait les pouvoirs municipaux en matière de planification et qu’elle entrerait en conflit avec le Code du bâtiment de l’Ontario.
Permettre le changement au-delà des politiques
La gouvernance, les codes et les normes contribuent à offrir la certitude et l’orientation nécessaires pour encourager les principales parties prenantes à agir. Mais comme le souligne notre Plan d’action national pour la décarbonation des bâtiments, une décarbonation complète nécessitera une transformation plus en profondeur du marché. Voici quelques exemples d’initiatives prometteuses qui peuvent soutenir cette transformation du marché :
- L’Association canadienne de normalisation (CSA) finalise l’élaboration de la norme CSA Z5040, un cadre national visant à soutenir les municipalités dans la mise en œuvre d’une exigence de la déclaration obligatoire des émissions de GES, d’énergie et d’eau pour les grands bâtiments existants, dont la publication est prévue début 2026. La normalisation de l’exigence de déclaration obligatoire contribuera à simplifier la mise en œuvre, à renforcer la cohérence entre les juridictions et servira de point de départ à l’élaboration d’autres politiques et programmes, tels que les normes de performance des émissions des bâtiments (BEPS).
- Les municipalités étudient les boucles énergétiques comme un moyen de décarboner certaines zones. Garantir l’alignement des politiques sur les objectifs de réduction des émissions sera alors essentiel afin de libérer leur plein potentiel. Plus de détails sont disponibles dans notre rapport sur les boucles énergétiques.
- En mars 2025, la Commission des services publics de la Colombie-Britannique (BCUC) a approuvé les mises à jour de la politique d’extension de la distribution énergétique de BC Hydro, afin de mieux soutenir l’électrification. La politique révisée, en vigueur depuis le 5 juillet 2025, réduit les coûts des raccordements pour de nombreux clients, accélère les délais de raccordement et offre une plus grande prévisibilité des coûts pour les promoteurs.
Prochaines étapes : quelles sont les perspectives ?
Les récents développements dans les différentes juridictions démontrent à la fois l’ambition croissante et la fragilité persistante des politiques de décarbonation des bâtiments. Les gouvernements locaux font progresser des initiatives et des normes novatrices, mais en l’absence d’un soutien cohérent et d’un arrimage entre les différents ordres de gouvernement, ces efforts restent exposés à une mise en œuvre inégale et aux revirements politiques.
En 2026, nous continuerons de soutenir le secteur du bâtiment au Canada dans le cadre de cette transformation mondiale, guidés par notre Plan d’action national pour la décarbonation des bâtiments et plus largement par notre stratégie visant à faire des bâtiments le moteur de l’économie électrifiée du Canada.
[1] Le Plan d’action national pour la décarbonation des bâtiments (titre provisoire) est en cours de finalisation et sera rendu public au début de l’année 2026.